La plume ensorcelée et la vérité muselée
La plume ensorcelée et la vérité muselée
Ecoute quand parle le journaliste !
Le faiseur d’histoire
Le faiseur de rois
Et d’indigents
De la racine, il vous mène au trône
Et de la cime, vous décime
Puis va la plume ensorcelée
Réalité travestie
Vérité blâmée
Mensonges d’érudits
Verbe maudit
Puis va la plume ensorcelée
La plume épée
L’encre flèche
L’encre sang
Histoire de sang
Le verbe péché
Sur les ondes Mille collines
Trépas de milliers de poitrines
C’était Rwanda…
Ecoute quand parle le journaliste !
Déontologie bradée
Chroniques tronquées
Articles truqués
Pamphlets intéressés
Echos troqués
Canards enchaînés…
Puis va la plume ensorcelée
Le journaliste ailé
Le journaliste zélé
La plume en furie
Le verbe en délire
La plume commerce
Le verbe affaires
La plume bourse
Le verbe actions
La plume titres
Le verbe à intérêts
Dire plus qu’on a vu
Dire plus qu’on a à dire
Dire plus qu’il en faut
Dire et se dédire
Dire et médire
Le journaliste
En de grands jours farceur
En de tristes heures héro
Lire un journal
Comme on lit une bible
Méditations d’articles
Editorial liturgique…
Aimer le mensonge
Surtout quand il est bien dit
Dire que l’Eburnie est à ses heures de gloire
Quand tout indexe sa déliquescence
Dire que le continent est bien parti
Quad s’éteint son feu
Puis va la plume ensorcelée
Idées biscornues
Subterfuges délicatement ourlés
Firmament dardant d’étoiles
De voiles et de mirages
Ecoute quand parle le politicien !
Bruits d’urnes
Promesses diurnes
Un peu de vin
Et de pain sans levain
Et joue le peuple le devin
Une bouteille de rhum
Un peu d’arum
Et le peuple féticheur ou charlatan
Ecoute quand parle le politicien !
Il me faut battre campagne
Pluies de suffrages
Tempêtes de voix
Eclairs de bulletins
Puis va le verbe fou
Les carrosses d’or fouettant les baffons
Les campagnes accoutrées de villes
Voir paupérisation et gabegie se côtoyer
Des tee-shirts à l’odeur nauséabonde d’encre
Puis va le verbe en délire !
Il ya de l’herbe à brouter
De l’herbe bien verte
De l’herbe verte à brouter
Ô sacré ruminant d’humanité !
Puis va la plume ensorcelée
Bétail électoral
Enclos et pâturages devenus trop exigus
Il faut élargir les tentes
Entasser par milliers les bêtes
Vive les cheptels électoraux !
Ô véritables fermes humaines !
A brouter des rêves
Gorgés de pestilence
De mensonge
Puis va le verbe perfide
Au milieu des folklores imbéciles
Des danses sottes
Des danseurs stupides
Des chants puérils
Des chanteurs naïfs
Des griots scélérats
Ecoute quand parle le politicien !
Des gouvernements mendiant
Avec la main de l’innocent
La main des analphabètes
La main des sans emplois
La main des chômeurs
La main des sans abris
La main de l’orphelin
La main de la veuve
La main des malades du mal du siècle
Du sida…
Puis gémit la vérité muselée
Economies châtrées
Vins et champagnes chambrés
Rires et embrassades chamarrés
Salons et meubles basanés
Liesses bigarrées
Quand frémit et gémit plus que ne rit la patrie
Voir nos pouvoirs détourner nos fonds
Voir une minorité se gaver d’orgies et d’agapes
Se pâmer d’aise et rire
Quand meurt affamée et alitée la majorité
Quand s’endors le peuple médusé, miséreux et rêveur
Ainsi va le berceau de l’humanité
Vent d’armes
Vente d’armes
Vente d’âmes
Voici ta perte ô continent !
Les soleils des sales négoces
Le trafic des gosses
Et des albinos
Pour sacrifices inédits
Pour ouvrages interdits
Ainsi va le vieux continent
Le lit des délits dressé
Chienlits et chiendents aux aguets
Le silence monnayé
Temps d’armes
Tant d’armes
Etang d’âmes
Et que de sang
Ainsi va l’antre noir
Peaux d’ébène
Teints basanés
Luxes drapés
Corps dénudés
Des filles nues tombées des nues une nuit
Sexes aux enchères
Soldes chez les proxénètes
Ainsi va le baobab noir
Jour de drapeaux
Lavage de cerveaux
Vendange de caveaux
Taisons de haine
Pans de rancœur
Monceaux de peine
Reliefs de vengeance
Chasse à l’homme
Carquois dissimulés
Horde de fantômes
Redingotes de vampires
Poignards de charognards
Ricanement fou
Au milieu de diatribes fous
Panoramas scélérats
Horizons courroucés
Siècle bigarré
Rues pavoisées
Eburnie, ivoire et alentours cariés
Ecoute quand parle l’historien !
L’historien qui dit :
Je suis venu après les larmes versées
Les nourrissons sevrés
Les libertés violées
Le sang versé
Les crimes horribles
Les crânes brûlés
Les cœurs dépecés
Les corps flagellés
Les visages ridés
Les sourcils bridés
Les soucis galvaudés
Les genoux ankylosés
Les résultats truqués
Puis parle l’historien
Je suis venu après les fèces mal torchées
Les cordons ombilicaux mangés
Les vies mutilées
Les savanes battues
Les forêts sans bois
La sylve aux abois
Les mers arraisonnées
Les sommeils volés
Les nuits violées
Les honneurs violentés
Les quiétudes bafouées
Les dignités confisquées
Puis parle l’historien apôtre !
Je suis venu en mes cinq sens
Dire aux fils des quatre vents
Je suis venu dire au midi
A l’occident
A l’orient
Au septentrion
Les faits qu’il n’a pas vus
Les paroles qu’il n’a pas entendues
Les parfums qu’il n’a pas sentis
Les mets qu’il n’a pas goûtés
Les trésors qu’il n’a pas touchés
Avec ma plume
Plus virile que le phallus tendu
Et mon encre
Plus fertile que le sperme humectant
Puis un baroud d’honneur à l’historien
L’historien messie
L’historien journaliste
L’historien politicien
Et pensons à ce que dira l’enfant !
L’enfant forcé au combat
L’enfant soldat
L’enfant témoin des vertus larguées
L’enfant qui a vu la Colombe lardée de coups d’épée
L’enfant qui de l’olifant jouera
L’enfant qui du cor jouera et encor
Et pensons à ce que dira l’enfant !
Il est la langue qui parlera
L’encre qui coulera
Le continent qui demain viendra
Quand se tairont peut-être les armes et règneront la paix, l’amour
Quand passeront peut-être la plume ensorcelée et la vérité muselée
…Avant qu’on ne me prenne mon luth,
du fond du vieux continent j’ai parlé…
Brice F. P. AMOUSSAN
Attoban, le Mardi 1er Avril 2009